Les approches innovantes
Recherches en cours
« Combattant terroriste étranger » : un terme utilisé pour décrire les milliers d’individus qui ont voyagé depuis des pays européens et au-delà des zones de conflit comme la Syrie et l’Irak au cours de la dernière décennie pour prendre part à des activités terroristes. Comme les conflits se sont apaisés, un certain nombre d’entre eux sont rentrés dans leur région natale. Leur retour plonge les autorités locales dans une situation difficile, ces combattants terroristes étrangers pouvant être davantage radicalisés, traumatisés par leur expérience et continuer à avoir des liens avec des groupes extrémistes. Pour la plupart d’entre eux, le retour sur le territoire est synonyme de séjour carcéral. Mais à terme, ils devront retourner à une vie normale, ce qui fait de la réhabilitation et de la réintégration une priorité absolue. La Macédoine du Nord figure parmi les nombreux pays en quête de solutions pour gérer ce défi. En 2019, l’ONG locale Nexus Civil Concept s’est rapprochée des autorités du pays avec une proposition peu habituelle : pourquoi ne pas discuter directement avec ces anciens combattants au sein du système carcéral pour écouter leur opinion sur les questions de réhabilitation ?
« De nouvelles recherches doivent être menées pour générer des constats sur la base de preuves visant à soutenir davantage nos interventions sur le terrain. »
Cette idée sous-tendait un ambitieux projet de recherche lancé avec le soutien financier de l’UE, dans le cadre du programme STRIVE Global dirigé par Hedayah. Le plan était d’organiser une série d’entretiens entre ces combattants étrangers de retour dans leur pays d’origine et en prison, les membres de leur famille et les institutions locales qui peuvent soutenir leur réintégration, sans oublier les autorités municipales, les décideurs politiques et le secteur privé. Cette initiative a été initialement accueillie avec un certain scepticisme de la part du gouvernement, mais Nexus est parvenu à démontrer la valeur de ces recherches. « En aidant ces individus, nous nous aidons nous-mêmes et nous aidons notre société », explique Afrodita Musliu, directrice générale de Nexus Civil Concept. « Si nous souhaitons réhabiliter et réintégrer de tels prisonniers, il nous faut leur parler pour comprendre leurs besoins et déterminer ensuite si des possibilités existent au sein des institutions de l’État. »
À la suite d’une période intensive de recherche et d’analyse, Nexus a publié ses conclusions, et notamment de nouvelles connaissances précieuses sur l’importance des formations professionnelles pour les prisonniers, du rôle joué par les traditions et la langue, et de la relation de ces combattants étrangers de retour dans leur pays d’origine avec la communauté musulmane locale. Le rapport formule surtout des recommandations concrètes pour les institutions pertinentes en matière de programmes efficaces de réhabilitation et de réintégration. Et déjà, le service gouvernemental responsable des prisonniers a mis en place bon nombre des mesures préconisées.
Une grande partie du financement de l’UE consacré à la prévention et à la lutte contre l’extrémisme violent est consacrée à de telles recherches innovantes. Comme l’explique la responsable de programme STRIVE de l’organisation Hedayah, Irene Belmonte : « De nouvelles recherches doivent être menées pour générer des constats sur la base de preuves visant à soutenir davantage nos interventions sur le terrain. Notre objectif est de combler l’écart entre la théorie et la pratique ». Ce faisant, l’une des principales missions consiste à collaborer avec les partenaires locaux qui sont les mieux placés pour identifier ces écarts et les éléments de recherche qui pourraient contribuer à définir des objectifs pratiques. Hedayah, par exemple, accorde une grande place au renforcement des capacités des entités locales, et collabore étroitement avec les bénéficiaires pour prodiguer des conseils sur le plan de recherche, la méthodologie et l’échantillonnage. Les résultats sont diffusés à grande échelle à travers le réseau international de l’organisation, via la plateforme de lutte contre l’extrémisme en ligne de STRIVE Global et à l’occasion de la conférence annuelle et internationale sur la recherche en matière de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent. Par ailleurs, les recherches sont également partagées avec les acteurs à l’échelle locale, de sorte que les conclusions puissent être utiles aux projets menés sur le terrain.
« Lorsque des puissances externes font preuve d’ingérence, il est nécessaire d’avoir des médias locaux forts et inclusifs qui reflètent les besoins des communautés locales souvent exclues de la presse généraliste. »
Un autre projet de recherche récent, dans le cadre de l’action STRIVE Global et financé aussi par l’UE, se concentre sur la manière dont les récits publiés dans les médias peuvent contribuer à la radicalisation en Géorgie. L’ONG située à Tbilissi, du nom de Media Development Foundation (MDF), a proposé de lancer une initiative pour enquêter davantage sur ce phénomène, comme l’explique Tamar Kintsurashvili, directrice générale de MDF : « La Géorgie compte une large et diverse communauté musulmane, et est également frappée par des influences extérieures provenant d’autres pays. Les médias peuvent dès lors être utilisés pour recruter des individus en fonction de leurs croyances, et nous désirons étudier le rôle joué par ces réseaux ». Le projet, à grande échelle, s’est composé d’une enquête sur les sources d’information, de la veille journalistique pour analyser les récits pertinents pour la communauté et de groupes cibles pour jauger la perception du public. Publiées sous la forme d’une série de rapports, les conclusions ont souligné le rôle clé joué par les médias non-géorgiens pour les groupes minoritaires, les problématiques autour du sentiment antimusulman, les discours haineux et le manque d’inclusion dans les organes de presse marginaux et généralistes, ainsi que le défi lié au manque d’autorégulation des médias dans ce domaine.
MDF a tiré profit de ces conclusions pour formuler des recommandations sur la terminologie, la couverture médiatique et l’inclusion. Lorsque des puissances externes font preuve d’ingérence, il est nécessaire d’avoir des médias locaux forts et inclusifs qui reflètent les besoins des communautés locales souvent exclues de la presse généraliste », explique Mme Kintsurashvili. Ces recherches ont été positivement accueillies par les ONG œuvrant pour les minorités, ainsi que par les journalistes et les organes de presse. Les travaux sur l’autorégulation des médias et la coopération institutionnelle ont commencé, avec des acteurs du gouvernement tels que la Commission nationale des communications (GNCC). Les effets sur le terrain se font déjà sentir, MDF traitant directement avec les médias pour aborder ces questions. Outre un programme sur l’extrémisme violent pour les écoles de journalisme et une brochure sur la diversité en cours de préparation, une formation sera proposée aux journalistes locaux sur la manière de mettre en pratique les recommandations sur les recherches, afin de jeter les bases d’un paysage médiatique plus varié et inclusif englobant toutes les communautés géorgiennes.