SOUTENIR LES SOLUTIONS LOCALES
Nouvelles approches
La pièce bourdonne alors que 25 étudiants passionnés testent leurs nouvelles compétences. Au cœur de l’action, une jeune femme raccorde avec minutie les câbles sur une carte de circuits imprimés alors que sa camarade de classe vérifie le progrès d’après un schéma sur l’écran de son smartphone. Le formateur donne un coup de main de temps à autre. Sur le grand écran derrière lui, l’on peut voir tout un ensemble de robots agricoles, des machines qui arrachent automatiquement les mauvaises herbes aux drones qui surveillent les champs. C’est l’occasion de découvrir la vie à la ferme sous un nouvel angle pour les jeunes qui ont voyagé depuis l’est du Burkina Faso pour participer à cet atelier à Fada N’Gourma, mis sur pied par l’organisation Jeunes Ambassadeurs (JA) financée par l’UE. Avec pas moins de 80 % de personnes actives dans l’agriculture au sein de la région, l’élevage fait partie intégrante des activités des habitants au quotidien. Pour ce qui est de la programmation de micropuces, en revanche, la tendance est bien différente. Toutefois, cet atelier a permis de démontrer comment ces deux mondes pouvaient coexister pour créer un nouveau champ des possibles. « Je ne savais pas grand-chose sur les robots, mis à part ce que j’ai vu dans les films de science-fiction ou à la télévision », précise l’un des participants du nom de Parfait Thiombiano. « Maintenant, je pense que j’aimerais en construire pour l’agriculture et pour aider nos fermiers. »
« Je ne savais pas grand-chose sur les robots, mis à part ce que j’ai vu dans les films de science-fiction ou à la télévision. »
L’agriculture est au cœur de la vie économique dans cette partie du Burkina Faso. Pourtant, il est devenu de plus en plus difficile pour les fermiers locaux de gagner leur vie, étant donné que les tensions relatives aux ressources limitées s’accompagnent de défis liés à la sécurité posés par des groupes extrémistes qui gagnent du terrain dans les parties nord et est du pays. Les recherches démontrent que ces recruteurs extrémistes peuvent tirer profit de ce manque d’occasions économiques en ciblant des jeunes sans emploi susceptibles d’être frustrés par leur situation et n’ayant que peu d’occupations. Bien que loin d’être un simple rapport de cause à effet, ce désavantage économique peut devenir un facteur conduisant les plus vulnérables sur la voie de la radicalisation. C’est pourquoi l’un des principaux objectifs dans le cadre de la prévention et de la lutte contre l’extrémisme violent est de proposer aux citoyens les outils dont ils ont besoin pour se bâtir un avenir meilleur, tant pour eux que pour leur communauté.
L’atelier sur la robotique organisé à Fada N’Gourma a été pensé dans ce but. Soutenue par un financement de l’UE, cette initiative, parmi tant d’autres menées par les Jeunes Ambassadeurs, vise à renforcer la cohésion sociale en ouvrant de nouveaux horizons pour les jeunes. L’une des priorités est d’adapter les projets en fonction du contexte local. Et dans la région est du Burkina Faso, c’est l’agriculture qui apparaît au premier plan. En inspirant les participants à réfléchir à la manière de moderniser les techniques agricoles et en proposant une formation pratique pour acquérir des connaissances de base en montage de robots, l’atelier a permis de montrer aux participants comment utiliser la technologie pour améliorer le rendement. « Les participants se sont montrés enthousiastes et désireux d’apprendre, d’approfondir le sujet et de créer leurs propres robots », explique Whali Jean Silvanu, coordinateur des Jeunes Ambassadeurs. Et d’ajouter : « Si les jeunes n’ont aucune nouvelle opportunité, s’ils pensent qu’ils n’ont plus rien à apprendre ou à faire pour améliorer leur qualité de vie, ils deviendront plus vulnérables à l’extrémisme violent. Nous voulons briser ce cercle vicieux en leur montrant qu’ils sont tout à fait en mesure d’améliorer leur vie quotidienne ». Toujours à l’affût d’une nouvelle occasion à saisir, M. Silvanu et l’équipe des Jeunes Ambassadeurs portent désormais leur attention sur une formation en matière de technologie liée à l’énergie solaire, un autre domaine à fort potentiel pour une communauté au sein de laquelle les pannes de courant sont monnaie courante.
« Si les jeunes n’ont aucune nouvelle opportunité, ils deviendront plus vulnérables à l’extrémisme violent. »
Le projet DJAM, également financé par l’UE, s’efforce de s’attaquer aux difficultés économiques susceptibles d’attiser les tensions sociétales au Burkina Faso. Une récente histoire de réussite a changé d’orientation pour passer du niveau individuel à l’échelle structurelle, avec la volonté de soutenir les producteurs de lait locaux qui doivent faire face à la concurrence redoutable des produits laitiers importés. Animé par Vétérinaires Sans Frontières Belgium (VSF-B), le programme rassemble des représentants de toute la chaîne de production de lait dans le but de mettre en place une stratégie pour promouvoir la production locale sur les marchés régionaux et nationaux. À la suite d’échanges avec les producteurs pour distinguer les forces et faiblesses du système actuel, un atelier sur deux jours a été organisé dans la capitale Ouagadougou (Burkina Faso) pour mettre ces idées en pratique à travers un plan d’action concret. La collaboration a occupé une place essentielle, comme se le remémore le chef de projet local de VSF-B : « L’objectif était que chaque participant contribue à la stratégie, étant donné qu’il fallait poser les bases d’une nouvelle politique nationale pour promouvoir le lait local ».
Pour les producteurs locaux, le programme a permis de se rassembler et de s’attaquer à un réel défi économique. Et au-delà de ce résultat concret à court terme, l’expérience acquise en matière de création d’un plan d’affaires a donné aux participants des compétences précieuses destinées à défendre leur économie locale à l’avenir. Pour Whali Jean Silvanu, le fait de donner un but et un chemin à suivre constitue la véritable valeur de ces activités de mise en réseau dans la région : « Les jeunes avec lesquels nous travaillons sont les acteurs de leur propre développement. Il nous faut juste leur donner les moyens d’y parvenir, afin qu’ils soient fiers de ce qu’ils sont en mesure de réaliser ».
Mentorat
Les programmes de mentorat peuvent constituer un moyen efficace pour atteindre les jeunes vulnérables et les guider vers des choix de vie positifs par l’intermédiaire d’une assistance et de conseils par des pairs. Les mentors formés par les initiatives financées par l’UE, telles que STRIVE au Kenya, vont plus loin en jouant le rôle d’intermédiaires entre les réseaux qui proposent des occasions économiques et des programmes de développement des compétences, de la formation sur la gestion financière à l’entrepreneuriat. Depuis 2016, le programme de mentorat STRIVE s’appuie sur une collaboration avec des hommes et des femmes de 17 à 30 ans, présentant des risques de radicalisation et de recrutement par des organisations d’extrémisme violent. Les mentorés sont encadrés par un mentor au plus près de leur âge et de leur milieu. « Les mentors ayant vécu les mêmes difficultés que les mentorés, ils sont parvenus à les surmonter et à choisir un chemin de vie plus positif, ce qui leur permet de mieux comprendre la situation des jeunes vulnérables », explique Hadija Suleiman Buke, responsable du programme. Les mentors sont sélectionnés en fonction de leur travail communautaire et de leur potentiel de devenir de véritables exemples, et reçoivent une formation sur les sujets qu’ils vont aborder avec leurs mentorés, notamment les compétences de la vie courante, les questions relatives à l’extrémisme violent, la pensée critique et la communication.
Le programme mêle séances individuelles et réunions de groupe, avec une assistance psychosociale et des échanges entre pairs sur les questions actuelles. « Lors des réunions individuelles, j’ai l’occasion de faire véritablement connaissance avec mes mentorés, de découvrir d’où ils viennent et de prendre conscience des problèmes qui façonnent leur manière de penser », explique Zainab Mohammed, mentor. Et de préciser : « Et grâce aux rassemblements organisés deux fois par semaine avec tous les mentors et mentorés, chacun partage ses expériences, ce qui aide les mentorés à changer leur vision des choses. Ils devaient penser que leurs problèmes étaient insurmontables, et pourtant ils trouvent des solutions en échangeant avec d’autres. Ils apprennent beaucoup lors de ces séances, et nous nous soutenons tous ».
Parmi les aspects centraux du mentorat, citons l’assistance proposée pour identifier des opportunités d’emploi ou de formation. Les mentors recherchent de telles occasions qu’ils peuvent partager avec leurs mentorés. Les mentorés qui se lancent dans une activité sont soutenus et conseillés afin d’évoluer, et ceux qui n’ont pas encore choisi leur voie sont encouragés à réfléchir sur leurs atouts et à envisager de nouvelles options. Pour Madame Mohammed, mentor, ces efforts sont étroitement liés au travail sur le développement de la résilience émotionnelle : « Ces aspects ont la même importance : lorsque l’on soutient quelqu’un sur le plan émotionnel, il se reprend en main par la suite et désire prendre des mesures. Le mentorat aide les jeunes à regarder la vie sous un angle différent. Nous leur conseillons de se diriger vers des domaines dans lesquels ils peuvent exploiter pleinement leurs atouts et compétences. Lorsqu’ils parviennent à tirer profit de leurs forces et à gagner décemment leur vie, ils font quelque chose de positif pour assurer leur subsistance et évoluer ».